La mauvaise rumeur et Sexy Sadie (The Beatles Anthology p285)
GEORGE : Ringo n'y est allé que deux semaines - peut-être pour tremper un orteil dans l'eau et voir si elle était bonne. Paul est venu puis reparti. Je ne crois pas qu'il ait retiré grand-chose du voyage. Dans le film Let It Be, on le voit faire un grand sourire et dire à John : « C'était comme de retourner à l’école : "Maître, dites-moi... "». Avec vingt ans de recul, il a peut-être repensé à tout cela et compris de quoi il s'agissait, mais je ne crois pas que c’était le cas à l'époque.
Le principe des cours était de faire un temps donné à Rishikesh, et d'aller ensuite installer le camp au Cachemire. Ils faisaient ça chaque année. Mais j'avais prévu de me rendre seulement à Rishikesh, avant d'aller participer à un tournage avec Ravi Shankar dans le Sud de l'Inde. Il tournait un film appelé Raga.
Je ne cessais de répéter au Maharishi : « Non, je ne vais pas au Cachemire — j'y suis allé l'année dernière ». Et il me répondait : « Non, non, toi venir au Cachemire. » Je lui ai dit que j'allais dans le Sud, et c'est à ce moment-là que John et moi sommes partis. En fait, John et moi étions les seuls à avoir séjourné là-haut du début à la fin de la période Rishikesh. Je pense que John voulait rentrer parce que - on peut aujourd'hui le vérifier historiquement - il avait entamé sa relation avec Yoko juste avant qu'on parte pour l'Inde.
Je pense que John voulait rentrer parce que - on peut aujourd'hui le vérifier historiquement - il avait entamé sa relation avec Yoko juste avant qu'on parte pour l'Inde.
JOHN : Yoko et moi nous sommes rencontrés vers cette époque-là. Je voulais l'emmener avec nous. J'ai perdu mon sang-froid parce que je voulais amener à la fois mon ex-femme et Yoko. Je ne savais comment faire. Alors je ne l'ai pas fait.
PAUL : J'étais ravi, mais je me demandais comment les autres allaient se sortir de là. Ils sont revenus en racontant que le Maharishi avait dragué une jolie Américaine blonde à cheveux courts (pas Mia Farrow).
JOHN : séquence suivante : le domaine de remise en forme du Maharishi au fin fond de l'Himalaya. Con-temple, contemple. Il m'a choisi le bon mantra. D'accord, il est bien plus chauve que quand je l'ai connu. Pourquoi Dieu s'en prend-il à ces saints hommes ? Ulcères, etc. ? « Il assume le karma de quelqu'un d'autre ». Je parie que c'est ce que bêlent les petits moutons. Il a un bon sourire pourtant. Ça vire à l'autobiographie d'un yaourt. Mais n'est-ce pas toujours le cas ? Il nous a installé dans des cabanes séparées de celles de nos femmes. Peux pas dire que
ca m'ai couté.
JOHN : Il y a eu un gros malaise parce qu'on a prétendu qu’il avait essayé de se faire Mia Farrow et quelques autres filles. On a discuté toute la nuit pour essayer de savoir si c'était vrai ou pas, et George a commencé à penser que c'était possible. Alors, je me suis dit que si George doutait du Maître, il devait y avoir quelque chose là-dessous. On est allés voir le Maharishi. Le lendemain, toute la bande a déboulé dans sa cabane, un très luxueux bungalow dans la montagne. Comme d'habitude quand il s'agissait de sale boulot, il a fallu que je sois le meneur. Quel que soit le problème, c'était moi qui prenais la parole quand « il fallait y aller ».
J'ai dit : « On s'en va. » - « Pourquoi ? » — « Mais, si vous êtes tellement cosmique, vous devez connaître la raison ». Comme ses assistants nous laissaient tout le temps entendre qu'il accomplissait des miracles, j'ai dit : « Vous savez pourquoi ». — « Je ne sais pas, il faut me le dire ». Et moi, de répéter sans cesse : « Vous devez savoir » Il m'a jeté un regard qui voulait dire : « Salaud, je te tuerai ». Un regard... Au moment où il m'a regardé comme ça, j'ai su que j'avais percé à jour son bluff. J’ai été un peu dur avec lui. J'attends toujours trop des gens, j'ai attendu ma mère et elle n'est pas venue, c'est pour ça.
Quelqu'un a commencé à faire circuler cette mauvaise rumeur au sujet de Maharishi, des bruits que les médias ont repris ensuite pendant des années.GEORGE : Quelqu'un a commencé à faire circuler cette mauvaise rumeur au sujet de Maharishi, des bruits que les médias ont repris ensuite pendant des années. On disait que le Maharishi n'était pas au niveau, des trucs du genre. Ce n'était que de la jalousie. Il faudrait des psychanalystes pour démêler tout ça. Je ne sais pas ce qui peut traverser l'esprit des gens, toutes ces conneries étaient pure invention. Les livres d'Histoire racontent probablement que Maharishi a « essayé d'attaquer Mia Farrow » - c'est bidon, complètement bidon. Il suffirait d'aller voir Mia Farrow et de lui demander.
Il y avait un tas d'allumés là-bas, l'endroit était bourré d'allumés. Du reste, nous en faisions partie.
La situation s'est compliquée. John voulait partir de toute manière. Cela l'a obligé à se mettre dans l'état d'esprit suivant « OK, maintenant on a une bonne raison de s'en aller ». On est allés voir le Maharishi et je lui ai dit : « Écoutez, je vous ai dit que je m'en allais. Je pars pour le Sud de l'Inde. » Il n'arrivait pas à accepter notre départ et a demandé : « Qu'est-ce qui ne va pas ? » (C’est là que John a dit quelque chose du genre : « C'est vous qui êtes le mystique, vous devriez savoir ».
On a pris des voitures qui étaient montées jusque-là. De nombreuses équipes de tournage arrivaient sans cesse pour le sketch « les fameux Beatles dans l'Himalaya ». Ce sont les voitures d'une de ces équipes qu'on a empruntées pour retourner à Delhi.
On a conduit des heures. John chantait une chanson qu'il venait de commencer : « Maharishi, qu'as-tu fait ? » — « Tu ne peux pas dire ça, c'est ridicule », lui ai-je répondu. J'ai alors trouvé le titre « Sexy Sadie », et John a utilisé ce nom à la place de Maharishi. John s'est envolé vers Yoko et l'Angleterre. Je suis allé à Madras et vers le Sud où j'ai passé quelques semaines.
L’histoire de notre départ a été connue et les journaux se sont naturellement jetés là-dessus. Comme il est dit dans le film The Rutles : « La presse a pris l'histoire par le mauvais bout et a agité tout ça ». Historiquement, on prétend aujourd'hui qu'il est arrive là-bas quelque chose qui n'aurait pas dû se produire, mais c'est faux.
JOHN : Je me suis dégonflé, je n'ai pas voulu écrire : « Maharishi, qu'as-tu lait, tu t'es foutu de nous ».
Je l'ai composée au moment du départ. On attendait un taxi pour y charger nos sacs et il n'arrivait pas. On se disait : « Ils retiennent délibérément le taxi pour qu'on ne puisse pas s'enfuir de ce camp de fous ». Il y avait avec nous, en plus, un Grec cinglé et complètement paranoïaque qui répétait sans cesse : « C'est de la sorcellerie, c'est de la sorcellerie. Ils vont nous retenir ici toute notre vie ». Je dois avoir réussi à partir, puisque je suis ici.
GEORGE MARTIN : Je ne suis pas, Quant à moi, très attiré par ce genre de choses. Que ce soit le Maharishi, la dianétique ou quoi que ce soit d'autre —je pense que c'est un ramassis de foutaises. Mais ce que l'on croit fait probablement du bien. Ils paraissaient croire au Maharishi, et cela avait l'air de bien marcher pour eux. George défend encore aujourd'hui le Maharishi, même si les autres ont, par la suite, été déçus par son comportement.